Vie des Saints de l'Eglise Orthodoxe vénérés en France
Mémoire de la CONCEPTION de sainte Anne
mère de la Très Sainte Mère de Dieu
Selon le dessein éternel de Dieu, qui voulait se préparer une demeure très pure pour s'incarner et résider parmi les hommes; Joachim et Anne n'avaient pu engendrer de progéniture. Parvenus tous deux à un âge avancé et restés stériles, comme la nature humaine courbée et desséchée sous le poids du péché et de la mort, ils ne cessaient cependant de supplier Dieu de les délivrer de leur opprobre. Le temps de la préparation voulue par le Seigneur étant accompli, Il envoya l'Archange Gabriel à Joachim, retiré sur une montagne, et à Anne, pleurant son malheur dans son jardin, pour leur annoncer que les prophéties de jadis allaient bientôt s'accomplir par eux, et qu'une enfant leur naîtrait, destinée à devenir la véritable Arche de la nouvelle Alliance, l'Echelle divine, le Buisson non consumé, la Montagne non entaillée, le Temple vivant où allait habiter le Verbe de Dieu 1 . En ce jour, avec la conception de sainte Anne, c'est la stérilité de toute la nature humaine, séparée de Dieu par la mort, qui prend fin, et par l'enfantement surnaturel de celle qui était restée stérile jusqu'à l'âge où les femmes ne peuvent plus porter de fruit, Dieu annonçait et confirmait le miracle plus étonnant de la conception sans semence de l'enfantement immaculé du Christ dans le sein de la Très Sainte Vierge et Mère de Dieu.
Bien qu'elle soit née par une intervention miraculeuse de Dieu, la sainte Vierge Marie a été conçue par l'union de l'homme et de la femme, selon les lois de notre nature humaine déchue et soumise à la mort et à la corruption depuis le péché d'Adam (Gn, 3, 16). Vase d'élection, Ecrin précieux préparé par Dieu depuis l'origine des siècles, elle est, certes, la représentante la plus pure et la plus parfaite de l'humanité, mais elle n'a pas été toutefois mise à part de notre héritage commun et des conséquences du péché de nos premiers parents 2 . Tout comme il convenait que le Christ, en son Incarnation, se rendît semblable aux hommes en tout hormis le péché, afin de les délivrer de la mort par sa mort volontaire (cf. Hb 2, 14), de même il fallait que sa Mère, dans le sein de laquelle le Verbe de Dieu allait s'unir à la nature humaine, fût en tout point semblable à nous, soumise à la mort et à la corruption, de peur que le Salut et la Rédemption ne nous concernent pas pleinement, nous tous fils d'Adam. La Mère de Dieu a été élue et choisie entre toutes les femmes, non pas de manière arbitraire, mais parce que Dieu vit à l'avance qu'elle saurait préserver et garder parfaitement sa pureté pour être digne de Le recevoir 3 . Conçue et née comme nous tous, Marie a été jugée digne de devenir la Mère du Fils de Dieu selon la chair et notre mère à tous selon l'esprit d'adoption. Tendre et compatissante, elle peut ainsi intercéder pour nous auprès de son Fils, pour qu'il nous prenne en pitié. Tout comme le Seigneur Jésus-Christ fut le fruit de sa virginité, la sainte Mère de Dieu fut, quant à elle, le fruit de la chasteté de Joachim et Anne. Et c'est en suivant cette voie de la pureté que nous aussi, moines et chastes couples chrétiens, feront naître et grandir en nous le Christ Sauveur.
1 Voir ce récit plus développé à la notice de la Nativité de la Mère de Dieu (8 sept.).
2 L'Eglise Orthodoxe rejette le dogme de " l'immaculée conception ", proclamée par l'Eglise Catholique Romaine en 1858, sans pour autant rabaisser la dignité de la Mère de Dieu. Pour les Pères, en effet, l'héritage d'Adam ne consiste pas en une responsabilité personnelle de tous les hommes à l'égard du péché originel, mais plutôt dans l'héritage des conséquences de ce péché : la mort, la corruption et les passions (y compris la reproduction par l'union charnelle). C'est pourquoi les Orthodoxes n'ont aucune difficulté à reconnaître que la Mère de Dieu était héritière, comme nous tous, des conséquences de la faute d'Adam (seul le Christ en fut exempt), mais qu'elle était pourtant pure et sans péché (personnel), car elle s'est librement gardée de tout attrait pour le monde et pour les passions, et elle a volontairement coopéré au dessein de Dieu en obéissant avec docilité à sa volonté : voici la servante du Seigneur : qu'il m'arrive selon ta parole, répondit-elle à l'Ange (Lc 1, 38).
3 C'est le sens de la fête de l'Entrée de la Mère de Dieu au Temple, le 21 novembre.
Source : Le Synaxaire. Vie des Saints de l'Eglise Orthodoxe par le hiéromoine Macaire. Monastère de Simonos Pétra au Mont Athos.